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Allongées sur le sol, les yeux bandés, une trentaine de personnes respirent à l’unisson. Elles gonflent leur poitrine puis expulsent l’air vigoureusement, portées par des mélodies intenses, ponctuées de rythmes tribaux. L’atmosphère se charge d’encens et d’émotions. Quelques mains se crispent, des jambes sursautent, des corps tremblent. Larmes et sanglots se mêlent aux éclats de rire. Des cris résonnent dans la salle, dont un lancinant : « Je t’aime ! »
Cet exercice de respiration chamanique s’est tenu au printemps, en banlieue de Lyon, dans un grand loft industriel, le plus souvent loué comme salle de danse ou de réception. « En modulant le souffle jusqu’à l’hyperventilation, le cerveau bascule en mode sommeil, sauf qu’on est réveillés », explique Charlotte Hoefman. Sourire serein et cheveux bruns, la jeune femme de 32 ans anime des retraites qui mêlent yoga, chant de mantras et techniques chamaniques comme la respiration ou le voyage au tambour.
Des « outils » découverts dans sa vingtaine, à la suite du décès brutal de son père. Fraîchement diplômée de Sciences Po Lyon, Charlotte Hoefman entre alors en état de sidération. Pendant six mois, elle est clouée au lit. Puis finit par acheter un aller simple pour le Népal et voyage deux ans durant. Elle gravit des sommets de plus de 5 000 mètres, découvre le yoga en Inde et le chamanisme en Mongolie, où elle entre en transe, portée par le son du tambour. « Mes mâchoires claquaient, mes paupières se sont révulsées, j’ai pris peur. Plus tard seulement j’ai appris que certains sons nous font basculer dans un état modifié de conscience, un sujet qui fait l’objet d’investigations scientifiques. Ça m’a rassurée et passionnée. »
Pourtant, dans ses stages comme sur les réseaux sociaux, où elle comptabilise plus de cent mille abonnés, Charlotte Hoefman évite les références au chamanisme, préférant parler de « réveil des consciences ». « Je fais du chamanisme sans le dire. Prononcer ce terme, c’est susciter tout un tas de projections. Les uns s’attendent à entrer en transe, les autres à voir leur animal totem, d’autres encore à prendre des psychotropes. Le chamanisme est galvaudé. »
Cercles de tambours, festivals, huttes de sudation – une sorte de sauna amérindien qui permettrait de communiquer avec les esprits –, le chamanisme se déploie en France sous de multiples visages. « Les apprentis chamans ont des parcours variés, constate l’anthropologue indépendante Laetitia Merli. Ils choisissent la tradition qui leur correspond le mieux, ils bricolent leur propre spiritualité. »
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